Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



jeudi 11 septembre 2014

Le nouvel homme de la comtesse



C’est un grand garçon athlétique, en version marathonien, qui aborde la quarantaine avec la bonne tête d’un acteur américain (du côté des indépendants). Il explique volontiers qu’il a toujours fait du sport, du marathon, qu’il se tourne maintenant vers le triathlon (natation, vélo, course à pied), que ces activités lui sont parfaitement indispensables et que, d’ailleurs, il a fait son service militaire dans les chasseurs alpins pour ça, la montagne, l’effort, l’arme d’élite. Nicolas Glumineau, directeur général du château Pichon-Longueville Comtesse de Lalande, grand cru classé de Pauillac, fils d’un cheminot vendéen et d’une infirmière, a acquis très tôt le goût du vin en passant par des études de génétique, puis de génétique appliquée au labo du fameux Denis Dubourdieu à Bordeaux. Nicolas, Bordelais d’adoption, aurait adoré l’Argentine ou les cabernets de l’état de Washington, ce sera le Médoc. En 2007, il intègre l’équipe du château Montrose, cru classé de Saint-Estèphe, il aura été l'un des derniers à travailler aux côtés du grand Delmas. Là et jusqu’en 2012, il vivra cinq ans de travaux. Les frères Bouygues ont décidé de tout refaire dans le plus parfait respect de l’histoire des lieux. De ces cinq années, il dit qu’elles lui ont permis de comprendre « qu’on fait partie d’une propriété. On travaille pour les générations futures ». En 2012, il arrive à Pichon-Comtesse, appelé là par Frédéric Rouzaud, président de Rœderer, propriétaire du château.

Extraits d’une conversation avec Nicolas Glumineau, fin juillet 2014.

Les trois moments de l’année qui vous rendent nerveux ? 
- Le choix du premier jour de vendange, on joue la qualité de la matière première.
- Le choix de l’assemblage qui fait le millésime. Les dés sont jetés.
- Le choix de la parcelle à replanter, de l’association sol-cépage et porte-greffe. On en a pour 50 ans.

Vous êtes content de votre patron, le groupe Rœderer ?
Ils sont dans le business de longue date. Ils savent les doutes, les remises en cause, les coûts, le temps.

Remplacer May-Éliane de Lencquesaing qui a tenu Pichon-Comtesse pendant tant d’années, c’est facile ?
Le socle commun, c’est l’obsession constante de la qualité. Mais l’icône, c’est Pichon-Comtesse. Ce qui est amusant, c’est de reprendre une propriété qui a toujours été gérée par des femmes. Cela dit, je suis de passage. Tout ce qu’on fait, c’est pour demain et après-demain. Deux ou trois générations sont concernées par nos décisions.

Et ?
J’aimerais bien qu’un jour, quelqu’un se dise que j’ai bien fait.

Quand vous êtes arrivé, vous avez viré tout le monde ? 
C’est l‘équipe de Madame de Lencquesaing à un directeur technique près.

C’est cher, Pichon-Comtesse, hein ? 
Les niveaux de prix parlent bien de l’agriculture. Ils rappellent au monde que les produits de la terre ne sont pas reproductibles à l’infini et que, si c’est bon à boire, il est normal que ça coûte un peu d’argent. La haute-couture coûte plus cher que le prêt-à-porter.

À propos d’agriculture, vous êtes un agriculteur moderne ? 
Nous expérimentons le bio et la bio-dynamie sur une dizaine d’hectares. Je suis mal à l’aise en tant que citoyen. Là où je fais dix traitements en lutte raisonnée, j’en fais quinze en bio. Il y a un côté Charybde et Scylla, le bilan-carbone aussi est un problème. Mais les herbicides, c’est fini depuis un moment. On laboure.

Ce qui vous préoccupe en ce moment ? 
J’ai entrepris de repenser la taille pour allonger l’espérance de vie des pieds de vigne et pour éviter autant qu’il est possible les maladies du bois. L’évolution à partir de ce qui existe est de faciliter le chemin de la sève, c’est la taille Poussart appliquée au Guyot double. Cela n’a pas de conséquences sur le volume de production, mais évite au cep de mourir en 25 ans.

Des nouveautés à venir dans ce temple du classicisme ? 
Ma chance, c’est d’être passé par Haut-Brion et j’ai très envie de faire un blanc. Il va falloir que j’en parle à Frédéric Rouzaud.

Sous votre magistère, quelle est l’ambition du cru ? 
Refaire un 1989 tous les ans. Le 89, c’est la flèche de l’archer. On sait d’où ça part, où ça va et avec quelle précision. Une trame tannique très droite et une expression aromatique d’exception.

Pichon-Comtesse, c’est féminin ? 
Ce terroir fait de grands cabernets et de grands merlots. C’est le merlot qui donne le côté féminin dans l’inconscient collectif.

Et le millésime 2013, ici ? 
Pour la première fois, nous embouteillons un 100 % cabernet-sauvignon.



Photos Patrick Cronenberger, juillet 2014.

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